Budget 2019 : le rabotage se poursuit sur le BOP 215 et n’épargne plus l’enseignement

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Comme chaque année à cette période, le ministre de l’Agriculture a présenté les principales orientations du projet de loi de finances (PLF) pour son ministère, au cours du CTM budgétaire du 24 septembre 2018 qui réunissait les organisations syndicales.

La CFDT y était représentée par Jacques Moinard, Philippe Hedrich, Myriam Prigent et Gisèle Bauland.

À l’issue de cette présentation, la CFDT est intervenue sur les points marquants et inquiétants, surtout pour souligner les incohérences de ce projet.

Parmi les points positifs de ce PLF, la CFDT a bien pris note de l’augmentation de la dotation en crédit de personnels afin de prendre en compte, notamment :
— la poursuite du protocole PPCR en 2019 (après une année blanche en 2018, dénoncée par la CFDT) ;
— la poursuite du plan de requalification de C en B ;
— la mise en place d’un plan de requalification de B en A ;
— la revalorisation indiciaire des agents contractuels d’enseignement (ACEN), pour qui la CFDT a rappelé qu’il y avait encore beaucoup à faire en termes de gestion !

Le secrétariat général a précisé que les plans de requalification portés par le ministère auprès du guichet unique (DGAFP-Finances) concernaient les corps administratifs et techniques, mais qu’absolument rien n’était arbitré à ce stade… Les négociations, qui s’annoncent difficiles, vont prendre du temps.

Mais globalement, outre ces points qu’elle soutient, la CFDT observe que ce budget 2019 donne une nouvelle fois le sentiment d’une vision purement comptable des moyens qui seront alloués aux différentes missions du ministère et de ses opérateurs. Dans un contexte de transformation à marche forcée de la fonction publique, particulièrement anxiogène pour les agents, ce budget est loin de faire sens pour les personnels dont les conditions de travail se détériorent un peu plus chaque année.

La CFDT rappelle que lors de la présentation du projet de loi de finances 2018, ce même ministre avait déjà souligné ses trois grandes priorités pour le ministère, à savoir :
— la priorité pour l’enseignement technique et supérieur, la formation, la recherche et l’innovation ;
— un soutien inconditionnel à la PAC, le pilier de l’agriculture en France ;
— la capacité à prévenir et à réagir face aux risques sanitaires et agricoles.

Cependant la CFDT constate que la rigueur budgétaire va encore frapper en 2019 et impactera même le secteur de l’enseignement agricole qui était préservé depuis 5 ans.

Si le ministre de l’Éducation nationale a déjà informé la presse d’une réduction de 1 800 postes, la CFDT ne peut pas valider la déclinaison mécanique et controversée de cette mesure vers l’enseignement agricole. La réduction de 50 ETP sur le programme 143 n’est pas « entendable », même si les modestes 25 ETPT supplémentaires pour les AESH vont dans le bon sens. Ce gouvernement semble privilégier le court terme.

L’enseignement agricole a perdu, depuis une quinzaine d’années, plus de 3 000 postes. Le système de formation en ressort structurellement fragilisé et a atteint une masse critique pour dispenser un enseignement et un accompagnement de qualité.

Dans ce contexte difficile, l’enseignement agricole a néanmoins fait ses preuves en matière de réussite, d’insertion et d’ascenseur social. Il est reconnu pour sa qualité et sa performance.

Ces dernières années, la modeste progression des emplois avait redonné un élan et une perspective aux agents. L’inversion de tendance qui se profile est un très mauvais signal adressé à la communauté éducative.

Pour la CFDT, le pilotage de l’enseignement agricole ne peut être réduit à une affaire de pourcentage. La logique comptable appliquée aveuglement n’a jamais fait sens. Les dernières réformes engagées sous cette mandature (du baccalauréat, de l’apprentissage, de la formation professionnelle continue) mettent les agents sous pression. Ils ont besoin de reconnaissance et d’un signal politique fort pour poursuivre leur engagement et pour contribuer à la démocratisation de ce système éducatif efficient.

Dans ce contexte, cette baisse annoncée de 50 ETP pour le BOP 143 est, pour la CFDT, une erreur grave qui va engendrer des heures supplémentaires, une augmentation du nombre d’élèves par classe et un recours accru aux agents contractuels. Le sujet des missions et services des enseignants devient brûlant : la CFDT souhaite qu’il soit mis sur la table.

Pour l’enseignement supérieur et la recherche, la CFDT ne peut se satisfaire de la stagnation du nombre de postes pour la troisième année consécutive, alors que les besoins de recherche face à l’urgence de la transition climatique et écologique et face aux enjeux sanitaires sont criants, alors que le nombre d’étudiants formés augmente fortement (300 en plus cette année) et que les contractuels constituent le tiers du personnel.

La CFDT craint le retour des années noires pour l’enseignement agricole !

Concernant l’enseignement technique, le ministre invoque un exercice contraint qui ne permettait pas de maintenir l’effort, alors que les apprenants sont moins nombreux. Il rappelle que les réductions demandées à l’Éducation nationale se font dans un contexte de progression du nombre d’élèves. Pour le ministre, l’enseignement agricole est plutôt préservé.

Outre le secteur de l’enseignement, le programme 215 va à nouveau souffrir de la rigueur budgétaire. Avec 130 ETP en moins en 2019, les services, déjà à l’os, vont finir par les ronger pour faire face… Les moyens support sont au bord de l’explosion dans de nombreux services, en DDI, en DRAAF ; les services d’administration centrale sont sous pression, à la limite du supportable.

Était-ce bien le moment de réduire les moyens alloués à la gestion de la PAC, alors qu’il faudra probablement des moyens en plus pour améliorer les modalités de gestion des aides PAC et éventuellement réinvestir en moyens humains pour le Feader ?

La réduction des renforts complémentaires alloués en 2018 (-150 ETPT) aurait pu être l’occasion d’investir dans un réseau d’expertise en économie agricole, dont l’intérêt semble largement partagé.

Sur le devenir du Feader, le ministre a indiqué que les discussions étaient en cours et qu’il ne pouvait que rappeler l’importance de ce dossier pour les régions… le sujet est très sensible !

Les réflexions sont également en cours sur l’organisation de la gestion de la PAC. Si plusieurs hypothèses sont à l’étude, il n’est plus envisagé de mettre les agents des SEA sous l’autorité hiérarchique de l’ASP et aucune mobilité forcée ne sera demandée aux agents, quel que soit le scénario retenu.

Le ministre convient qu’il existe un sujet concernant la mutualisation de l’expertise sur des sujets spécifiques.

Par ailleurs, le secrétariat général précise que les efforts sur le 215 seront portés, comme les années précédentes, pour les deux tiers par les directions régionales et pour un tiers par les directions départementales.

La CFDT constate que le secteur sanitaire (BOP 206) est le seul dont le plafond d’emplois est en hausse, avec + 40 ETPT par rapport à 2018. Mais à y regarder de près, cette augmentation correspond à une estimation en moyens nécessaires pour faire face aux conséquences du Brexit et non pas pour améliorer les conditions d’exercice des missions en lien avec les risques et enjeux sanitaires.

Dans certains départements, ce n’est pas une augmentation qui est annoncée par les RBOP (préfets de région) mais bien une diminution des ETP, à laquelle s’ajoutent des départs en retraite.

La CFDT craint une sous-estimation des moyens pour faire face au Brexit et un redéploiement d’agents en poste. Ce qui conduirait finalement à une nouvelle dégradation des conditions de travail des agents !

La CFDT attendait pour le secteur prioritaire du sanitaire une augmentation du plafond, au-delà d’une simple anticipation des conséquences du Brexit.

En conclusion, la CFDT a réaffirmé que si elle partageait les priorités du ministre pour le MAA, elle ne partageait pas ses arbitrages en matière d’emplois. Ce projet de loi de finances 2019 est porteur d’injonctions contradictoires et n’est pas porteur de sens pour les agents du ministère. Ce PLF est à l’image d’AP2022 : la CFDT constate que, malgré les intentions affichées sur les missions, le rabot sera le principal outil utilisé sur le chantier de transformation de l’action publique !

Interpellé par les organisations syndicales sur son engagement, non tenu, à venir plus régulièrement débattre en CTM, Stéphane Travert a annoncé qu’il recevrait chaque organisation en bilatéral au cours des prochaines semaines.

La CFDT saisira cette occasion pour porter ses revendications sur les nombreux chantiers en cours, notamment en lien avec la transformation de l’action publique et la feuille de route du ministère. Les choix impacteront les conditions de travail et les parcours professionnels des agents.