Vers plus de primes au mérite… c’est bien ?

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Lors d’une conférence de presse tenue à l’Elysée le 16 janvier dernier, le président de la république est revenu sur les conditions de rémunération des fonctionnaires, notamment une rémunération prenant plus en compte le mérite.

Cette volonté présidentielle devrait s’inscrire dans le cadre d’une future réforme de la fonction publique alors pilotée par l’ex-ministre de la Fonction Publique, Stanislas Guérini reconduit dans ses fonctions dernièrement.

Pourtant, force est de constater que de très nombreux employeurs publics ont déjà mis en place un système de rémunération au mérite tenant compte de l’engagement de leurs agents, le plus souvent à titre individuel, mais aussi parfois à titre collectif.

La rémunération d’un agent, c’est quoi ?

La rémunération d’un agent public, qu’il soit titulaire, contractuel (ou militaire) se décompose en deux parties :

  • La rémunération de base, à savoir le traitement indiciaire et éventuellement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement (SFT), la nouvelle bonification indiciaire (NBI).
  • Les primes et indemnités accessoires, constituant – comme la part « indemnitaire » de leur rémunération.

Le traitement indiciaire du fonctionnaire dépend de son grade et de l’échelon qu’il détient dans ce grade. Chaque grade comprend un nombre d’échelons fixé par décret. À chaque échelon correspond un indice brut (IB). À chaque indice brut, correspond un indice majoré (IM).

S’agissant des contractuels : Le traitement indiciaire est fixé par l’administration qui emploie. Celui-ci se fait généralement sur la base d’un référentiel de rémunération. Le traitement indiciaire est donc théoriquement identique pour tous les agents publics à ancienneté et poste identiques.

Les primes et indemnités sont nombreuses et variées mais tous ces éléments accessoires ne sont pas attribuables de la même manière à tous les fonctionnaires et encore moins aux contractuels pour qui le contrat doit mentionner la possibilité de versement de primes. Par ailleurs, certaines indemnités peuvent être directement liées aux corps d’appartenance des agents.

Certaines primes et indemnités sont sujettes à des calculs automatiques, ou des barèmes mais leurs montants ne permettent pas de reconnaître une « manière de servir » (indemnité de résidence par exemple, heures supplémentaires…).

A noter, la moyenne des primes et indemnités servie aux fonctionnaires représentait en 2021 environ un quart de la rémunération des agents, sachant que ce pourcentage n’est pas identique entre les catégories, ce dernier pouvant avoisiner les 45% sur des corps A+.

Enfin, il est important de souligner que la grande majorité des primes et indemnités ne sont pas prises en compte dans le calcul de la retraite des fonctionnaires.

La prime au mérite

Depuis la création en 2014 du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP), la prime permettant de rémunérer le mérite individuel des agents publics est le « complément indemnitaire annuel » (CIA). La direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) définit le CIA comme une prime facultative, non reconductible d’une année sur l’autre, qui tient compte de l’engagement professionnel et de la manière de servir du fonctionnaire.

En fonction des employeurs, le CIA peut être attribué en deux fractions maximales par an sur la base de montants fixes ou de montants modulés définis à l’issue d’une campagne de modulation menée par l’employeur. Les montants attribués relèvent de règles de gestion établies par les employeurs.

Un bilan complet de l’octroi du CIA dans les services du MASA serait appréciable pour juger de la pertinence de la campagne de modulation effectuée et proposer éventuellement des pistes d’évolution.

Une réforme de la Fonction publique… quelle est la position de la CFDT fonctions publiques ?

Mylène Jacquot, secrétaire générale CFDT Fonctions Publiques, indiquait récemment à Acteurs Publics :  « la CFDT ne revendique pas un projet de loi. Ce que nous revendiquons, c’est la prise en compte de la parole des agents, de leurs attentes, avec des réponses satisfaisantes de la part de l’ensemble des employeurs. La priorité qui nous remonte du terrain et de nos équipes, c’est le pouvoir d’achat, les salaires, les perspectives de reconnaissance. »

S’agissant de la rémunération au mérite, Mylène Jacquot, affirmait : « Le mérite, notion à la fois morale et très individuelle, très marqué idéologiquement (y compris de manière fluctuante au fil du temps), est une notion que nous avons du mal à appréhender et à mesurer et surtout, dont on a du mal à jauger objectivement du lien avec le travail. Des dispositifs existent déjà, le RIFSEEP étant composé de deux parts dont l’une, le CIA, est individualisée et liée à l’évaluation de l’agent. Ce dispositif peut certainement être amélioré, mais cette amélioration passe d’abord par une révision de l’exercice d’évaluation lui-même. Quant à la qualité du travail et du service rendu, cela passe par la prise en compte du collectif. Cet aspect est un chantier à ouvrir.

Une rémunération au mérite moins prioritaire que des revalorisations plus globales

Il faudra éviter de laisser croire que l’attractivité des postes d’employeurs publics ne passe que par des revalorisations indemnitaires, cela y contribue mais cela ne fait pas tout.

La prime au mérite doit être en conformité avec les résultats évalués dans le cadre des entretiens professionnels annuels or il peut facilement être constaté que les montants de primes au mérite peuvent être reconduits d’une année sur l’autre (dialogue social facilité, pas de perte de pouvoir d’achat…) au détriment d’une vraie reconnaissance du travail effectué. Entre la volonté et la réalité, il y a donc un écart qu’il est difficile de mesurer.

La crainte d’une rémunération à la « tête du client » reste par ailleurs réelle chez de nombreux agents. Pour réaliser pleinement un exercice de modulation du CIA, il conviendrait de rebattre annuellement les cartes avec les agents en toute transparence et d’y mettre aussi quelques moyens budgétaires pour donner de la souplesse dans l’octroi du CIA… ce n’est pas aussi simple lorsque l’enveloppe de crédits est fermée et stable d’une année sur l’autre…

Plus que le mérite, il y a un enjeu à mieux faciliter les mobilités entre services (de manière plus large que ce qui se pratique au niveau des services des administrations territoriales de l’État) en utilisant les leviers de maintien de primes par exemple…

En résumé, pour la CFDT, être rémunéré davantage au mérite n’est pas la priorité. La demande des agents est beaucoup plus portée sur des augmentations générales (augmentation significative du point d’indice, refonte des grilles indiciaires avec durées dans échelons réduites, …), de meilleures carrières (augmentation du taux de promotion, plans de requalifications de C en B et de B en A, …), une intégration de l’indemnitaire pour le calcul de la pension et enfin des formations.

Et puis avant de toucher au CIA, il conviendrait de revaloriser de manière significative l’IFSE, et ce n’est pas gagné au MASA (revoir notre article sur le RIFSEEP ici).